"Le Pari du Ciel" Jean Pierre Delest, gallerie Caroline Tresca, Paris, Novembre 2016

"Le Dormeur du Val", 2016

"Le Dormeur du Val", 2016

De l’air ! Une sortie par le haut. Un idéal derrière les nuages. Frédéric Choisel s’envole et nous convie à garder la tête en l’air. La galerie Caroline Tresca avait exposé ses vues de New-York, son édifiante transfiguration abstraite des élévations de Manhattan fixées sur le papier au pastel et à l’encre. Le voici cette fois « … au-dessus des vallées, des montagnes, des bois, des nuages, des mers, par delà le soleil, par delà les éthers, par delà les confins des sphères étoilées. » (Charles Baudelaire – Élévation, Les Fleurs du mal).

Que cherche-t- il maintenant ? Où tient-il à nous mener à travers ses nuages épais qu’une trouée de ciel parvient à percer ? La lumière y est douce (Élévation) ou bien inquiétante comme celle d’une journée sanglante (Le dormeur du val).

Frédéric Choisel fait une proposition. Il invite à s’éloigner de la futilité, à élever notre regard, sinon le niveau de notre conscience. Une manière de prendre de la hauteur en se dégageant d’une matière pesante, substance alourdie du quotidien, marasme des pensées, des jugements et des craintes. Le peintre est spirituel et prend le poète pour complice. Ensemble, ils nous invitent au voyage. Le ciel s’ouvre, et, à travers lui, le ciel de chacun se dégage, nous laissant passer de l’ombre à la lumière. Pour autant, il n’y a pas de naïveté dans ces tableaux et Baudelaire comme Rimbaud ne sont pas des joyeux drilles. D’ailleurs, la savante légèreté de leurs poèmes révèle vite une tension funeste.

Que se passe-t-il alors sous le ciel maintenant que nous sommes un oiseau ? Le peintre choisit son motif et montre l’éther. Il laisse à chacun le soin de combler le vide. Éther puissant, tourmenté de sombres masses. Idéal naturel fiévreux, reflet inquiet d’une âme pure. Que peut-on craindre au milieu des nuées sinon la fin du vol. Est-ce pour cela que ces toiles de grand format se divisent en deux parties ?

En effet, le ciel domine dans un carré vertueux, mais à sa base, pour nous rappeler l’ordre du monde, une pièce de toile plus étroite fixe invariablement un amalgame végétal qui semble tendre un filet de branches pour mieux happer notre oeil et notre liberté. Le poète ne dit rien de plus lorsqu’il convoque les mots comme autant de témoins de son idéal contrarié. Frédéric Choisel précise : « Dans un monde ravagé par les croyances religieuses, par les dogmes politiques qui nous divisent, une chose reste en commun, nous regardons tous vers le ciel. Dans les grands diptyques, la partie supérieure des ciels représente la transformation de nos souffrances. La partie inférieur notre monde animal terrestre, les conflits des choses de la vie. »

Une sortie par le haut, disions-nous. Voyons-y également une percée dans le temps puisque Frédéric Choisel évoque à sa manière les ciels du XVIIIe siècle de Canaletto ou de Tiepolo, voire ceux de Boucher mais aussi les ciels plus récents que Richter peint dans les années 1970, des ciels dans lesquels la luminosité solaire fait de la lumière naturelle la protagoniste principale de la toile. La lumière métaphore de la vérité. Une manière d’ouvrir un champ nouveau. Finalement, comme un passeur, Frédéric Choisel nous pilote en cheminant entre la tradition et la modernité, entre le passé et l’avenir, entre le bouillonnement de nos vies et l’espoir.

Jean-Pierre Delest